Temps de lecture : 7 minutes

Initiative populaire du 30 novembre 2025 : Initiative pour l’avenir

Le 18 juin 2023, la Suisse a fixé l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050 et l’a inscrit dans la loi : la Loi sur le climat et l’innovation, adoptée par référendum. Pour atteindre cet objectif, la Suisse finance actuellement sa politique climatique grâce à environ 2 milliards de francs par an issus de taxes sur les combustibles, les carburants et l’électricité.

Le 30 novembre 2025, le peuple suisse est appelé à se prononcer sur l’initiative populaire « Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement ». L’initiative propose d’augmenter les moyens financiers grâce à un impôt fédéral de 50 % sur les successions et donations au-delà de 50 millions de francs, dont les recettes seraient destinées à « lutter contre la crise climatique de manière socialement juste et à permettre la transformation de l’ensemble de l’économie nécessaire à cet objectif ».

Pour cette votation, le Parlement et le Conseil fédéral recommandent de voter non car, selon eux, « sa mise en œuvre pourrait pousser des personnes fortunées et des entreprises à quitter la Suisse, ce qui mettrait en danger des emplois et conduirait même à une baisse des recettes fiscales plutôt qu’à une hausse ».

Quant au comité d’initiative, la politique climatique actuelle est jugée insuffisante. Par conséquent, il faut « plus d’argent pour lutter contre la crise climatique. Les personnes qui mettent en jeu les ressources naturelles nécessaires à notre existence pour leur propre profit doivent en assumer la responsabilité ». L’impôt proposé est donc considéré comme socialement juste.1

Résumé de la COP30 à Belém, Brésil 

La COP30 s’est déroulée du 10 au 22 novembre à Belém, au Brésil. Il s’agit de la conférence annuelle et internationale organisée par l’ONU sur les changements climatiques. Au total, 56 118 délégués ont été inscrits, faisant de cette édition la deuxième plus grande de l’histoire, derrière la COP28 à Dubaï (80 000 participants).

La Suisse était représentée par le conseiller fédéral Albert Rösti, chef du DETEC (Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et des communications). Les États-Unis, deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre, étaient absents pour la première fois, après que Donald Trump a annoncé en janvier 2025 leur retrait de l’Accord de Paris.

Par ailleurs, une analyse approfondie révèle que 1 602 représentants du secteur des combustibles fossiles ont été autorisés à participer à la COP30, un chiffre inférieur à celui des COP précédentes mais proportionnellement plus élevé, représentant près d’un délégué sur vingt-cinq présents à Belém. S’ils formaient une délégation, ils constitueraient la deuxième plus importante après celle du pays hôte, le Brésil. L’étude souligne également qu’il y avait davantage de représentants des énergies fossiles à la COP30 que l’ensemble des délégués des dix pays africains les plus vulnérables au changement climatique.
Même s’ils n’ont pas de pouvoir de vote, ces représentants peuvent exercer une influence par leur présence, ainsi qu’à travers des discussions informelles ou des interactions en coulisses avec des délégations nationales.2

Contexte climatique :

Selon l’Organisation météorologique mondiale, après que l’année 2024 a été enregistrée comme la plus chaude de l’histoire, conséquence d’El Niño (un phénomène climatique naturel qui se produit tous les 2 à 7 ans et réchauffe les eaux du Pacifique) avec une température moyenne de 1,55 °C ± 0,13 °C au-dessus de la moyenne préindustrielle (température moyenne globale avant l’industrialisation), la température moyenne près de la surface du globe de janvier à août 2025 était également de 1,55 °C ± 0,13 °C.3

D’après le Global Carbon Project4, un rapport annuel réalisé par 130 scientifiques internationaux et publié à l’occasion de la COP30, les émissions de CO₂ liées à l’utilisation du charbon, du pétrole et du gaz devraient augmenter de 1,1 % en 2025 par rapport à l’année précédente, pour atteindre un total de 38,1 milliards de tonnes (GtCO₂). La RTS rapporte également dans un reportage que le charbon est encore responsable de près de 40 % des émissions humaines de CO₂.

De plus, l’ONU indique que si les États respectent leurs engagements actuels, la planète se dirige vers un réchauffement de 2,3 à 2,5 °C d’ici la fin du siècle. Des estimations similaires ont été publiées par le Climate Action Tracker5, qui prévoit un réchauffement d’environ 2,6 °C d’ici 2100.

Enfin, concernant la déforestation, étroitement liée au Brésil, une évolution positive est observée : la déforestation en Amazonie a reculé de 11 % entre 2024 et 2025. Environ 5 796 km² ont été déboisés dans la plus grande forêt tropicale du monde, un niveau jamais atteint depuis onze ans.6

Situation avant et pendant la COP30 :

Pour comprendre le dénouement de la COP30, il est essentiel de saisir dans quelles positions se trouvaient les grandes puissances mondiales avant la conférence.

USA

En 2025, les États-Unis effectuent un virage radical dans leur politique climatique avec l’annonce, le 20 janvier, de leur retrait de l’Accord de Paris (effectif en 2026). Donald Trump rétablit une stratégie fondée sur l’expansion massive des hydrocarbures, illustrée par le slogan « drill, baby, drill », et déclare une « urgence énergétique nationale ». Il justifie ce choix par la nécessité de garantir un approvisionnement énergétique permettant de soutenir l’innovation en intelligence artificielle. Ce changement s’accompagne de déclarations climatosceptiques et de nombreuses fausses affirmations, complexifiant les négociations internationales.
Donald Trump qualifie ainsi le changement climatique de « plus grande arnaque » au monde lors de son discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 23 septembre 2025.
Ce revirement accroît les tensions avec l’Union européenne et les pays vulnérables qui réclament un calendrier clair de sortie des énergies fossiles.

Europe

En Europe, les discussions climatiques sont fortement influencées par la proposition « Omnibus », présentée en février 2025 par la Commission européenne, visant à simplifier les obligations ESG pour les entreprises. Ce paquet révise notamment à la baisse certaines exigences de la CSRD et de la CSDDD, suscitant des critiques quant à un possible affaiblissement du leadership climatique de l’UE.7

Chine

Contrairement à l’Europe, et malgré sa dépendance au charbon, la Chine adopte une posture proactive en matière de durabilité. Elle met en place les normes nationales CSDS pour structurer la divulgation ESG des entreprises, dans une logique d’alignement avec les standards internationaux tels que l’ISSB et la CSRD.
Pékin accélère également le développement des énergies renouvelables, installant 356 GW de solaire et d’éolien en 2024, soit 4,5 fois plus que l’Union européenne.
Lors de son intervention à l’ONU en septembre 2025, Xi Jinping réaffirme l’importance de la transition bas carbone, tout en affichant des objectifs climatiques jugés insuffisants pour atteindre la neutralité en 2060.8

Sud Global 

La COP30 se déroule dans un contexte de montée en puissance du « Sud global » comme bloc politique influent. Regroupés au sein du G77 + Chine, les pays émergents réclament davantage de financements, de transferts technologiques et la reconnaissance des responsabilités historiques des pays du Nord. Cette dynamique accentue les tensions Nord–Sud et complique les discussions sur la réduction des émissions.9

Brésil

Le Brésil cherche à reprendre un rôle de leader climatique parmi les pays tropicaux en réduisant fortement la déforestation, tout en défendant un modèle dans lequel les pays en développement peuvent continuer d’exploiter leurs ressources fossiles.
Cette position, populaire dans le Sud global mais contestée par l’UE et les scientifiques, s’accompagne pourtant d’une production pétrolière record (4,9 millions de barils équivalent pétrole par jour en juin 2025)10 et de nouvelles autorisations d’exploration dans des zones écologiquement sensibles.
Brasilia justifie ce paradoxe par l’idée que les revenus du pétrole financeraient la transition et la protection de l’Amazonie, un argument largement critiqué compte tenu de l’urgence climatique et de l’objectif de réduction rapide des émissions.11

Ensuite, nous retiendrons deux événements majeurs durant cette conférence :

  1. Le mercredi 12, le rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a présenté trois scénarios sur le futur de l’énergie dans le monde.12
    • Scénario médian:
      La demande mondiale de charbon atteint un pic et le pétrole se stabilise autour de 2030, tandis que le gaz continue de croître durant les années 2030, porté par la nouvelle politique énergétique des États-Unis et des prix plus bas.
    • Scénario basé sur les politiques actuelles (le plus conservateur):
      Le charbon commence à diminuer avant la fin de la décennie, mais la consommation de pétrole et de gaz poursuit sa hausse jusqu’en 2050. L’AIE a réintroduit ce scénario cette année, après l’avoir abandonné en 2020, ce qui suscite des critiques de la part des défenseurs du climat.
    • Scénario « neutralité carbone » (objectif 2050):
      Ce scénario repose sur l’adoption des mesures nécessaires pour atteindre la neutralité carbone en 2050. C’est le seul qui permettrait, sur le long terme, de ramener le réchauffement sous 1,5°C. L’AIE souligne que les deux premiers scénarios mèneraient le monde bien au-delà de 1,5°C, jusqu’à près de 3°C en 2100 pour le scénario le plus conservateur, alors que 2024 a déjà été l’année la plus chaude jamais enregistrée.
  2. Le vendredi 14, une soixantaine de manifestants autochtones ont bloqué pacifiquement l’entrée de la COP30 afin de demander une rencontre avec le président Lula et d’alerter sur la situation des peuples amazoniens. Le samedi 15, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé à Belém pour exercer une pression sur les négociateurs et appeler à des actions concrètes contre le réchauffement climatique.

Dénouement:

Le vendredi 21, la présidence brésilienne de la COP30 a publié un projet d’accord final sans aucune mention explicite des énergies fossiles, contrairement aux demandes de nombreux pays. Le terme « fossiles » disparaît complètement du texte, alors qu’une version précédente incluait une feuille de route (marche à suivre) pour leur sortie progressive, soutenue notamment par l’Union européenne, plusieurs pays d’Amérique latine et de nombreux États insulaires.

Malgré ces pressions (plus de 80 pays favorables à l’inclusion du plan), l’opposition ferme des pays émergents et producteurs de pétrole a empêché tout compromis. Le texte final se limite ainsi à appeler à accélérer l’action climatique de manière « volontaire » et ne fait qu’une référence indirecte aux énergies fossiles en rappelant le consensus de la COP28 de Dubaï.

Enfin, cette décision est adoptée le samedi 22 novembre par consensus et n’inclut pas la feuille de route pour la sortie des énergies fossiles réclamée par l’Union européenne et ses alliés.13 Le texte appelle à :

  • Tripler d’ici 2035 les fonds pour l’adaptation climatique des pays en développement ;
  • Accélérer l’action climatique, uniquement sur une base volontaire ;
  • Réévaluer les barrières commerciales liées aux taxes carbones.

Ce résultat a ensuite été vivement critiqué pour son manque d’ambition par divers experts et ONG:

Tracy Carty (Greenpeace) : « C’est comme une page blanche, il y a si peu pour combler le manque d’ambition pour en rester à 1,5 °C de réchauffement, ou pousser les pays à accélérer l’action. »

WWF : « [L’accord] est extrêmement décevant. »

François Gemenne (politologue, membre du GIEC) : « [L’accord est] archi nul » et régressif.

Felix Wertli (ambassadeur suisse pour l’environnement): « C’était une conférence des petits pas. »

Finalement, côté Suisse, le conseiller fédéral Albert Rösti a signé deux accords climatiques avec la Zambie et la Mongolie. Ces partenariats établissent le cadre nécessaire pour que la Suisse puisse y mettre en œuvre des projets destinés à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les diminutions d’émissions obtenues dans ces pays pourront être comptabilisées dans les objectifs climatiques suisses.

L’équipe oikos Lausanne

Sources:

  1. Swiss Gov. (30 octobre, 2025). https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20251130/initiative-pour-l-avenir.html ↩︎
  2. M. Tuddenham. (18 novembre, 2025). https://www.citepa.org/journal-de-la-cop-30-jour-5-14-novembre/#dans-les-coulisses ↩︎
  3. WMO. (6 novembre, 2025). https://wmo.int/fr/news/media-centre/lannee-2025-devrait-etre-la-deuxieme-ou-troisieme-annee-la-plus-chaude-jamais-enregistree-dans-un ↩︎
  4. Global Carbon Project. (13 novembre, 2025). https://globalcarbonbudget.org/fossil-fuel-co2-emissions-hit-record-high-in-2025/ ↩︎
  5. Climate Action Tracker. (13 novembre, 2025). http://climateactiontracker.org/global/cat-thermometer/ ↩︎
  6. Le Figaro. (31 octobre, 2025). https://www.lefigaro.fr/sciences/bresil-la-deforestation-de-l-amazonie-a-chute-de-11-sur-un-an-selon-le-gouvernement-20251031 ↩︎
  7. K. Abnett. (26 février, 2025). https://www.reuters.com/sustainability/whats-inside-eus-simplification-omnibus-sustainability-rules-2025-02-26/ ↩︎
  8. E. Régnier. (12 mars, 2025). https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/03/12/sur-le-terrain-environnemental-la-chine-creuse-un-ecart-qui-risque-de-devenir-irrattrapable-pour-les-entreprises-occidentales_6579665_3232.html ↩︎
  9. S. Treyer. (6 novembre, 2024). https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/12/06/climat-certains-signes-indiquent-que-le-jeu-de-postures-nord-sud-se-craquelle_6433428_3232.html ↩︎
  10. Brazil energy insight. (11 août, 2025). https://brazilenergyinsight.com/2025/08/11/brazil-sets-new-oil-and-gas-production-record-with-4-9-million-barrels-per-day/ ↩︎
  11. The Guardian. (20 octobre, 2025). https://www.theguardian.com/world/2025/oct/20/brazil-greenlights-oil-drilling-amazon ↩︎
  12. International Energy Agency. (12 novembre, 2025). https://www.iea.org/reports/world-energy-outlook-2025?utm_content=buffer5e40e&utm_medium=social&utm_source=twitter-ieabirol&utm_campaign=buffer ↩︎
  13. Radio Télévision Suisse. (23 novembre, 2025). https://www.rts.ch/info/environnement/2025/minute-par-minute/29054084.html#timeline-anchor-acfa912f-de25-4e37-a9e1-4e40525a25ea ↩︎

Pour rester à jour…