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Les citoyens et citoyennes suisses se prononceront sur la nouvelle Loi sur le climat ce 18 juin 2023. Cette dernière fait office de contre-projet indirect à l’initiative de 2019 “Pour les glaciers”, qui demandait à ce que la Suisse réduise ses émissions nettes de gaz à effet de serre à zéro d’ici à 2050.

“Pour les glaciers”

Cette référence aux glaciers est dûe au fait que la fonte de ces derniers est l’une des conséquences les plus visibles du changement climatique en Suisse. L’Association suisse pour la protection du climat a lancé une initiative populaire demandant une réduction des émissions nettes de CO2 à zéro et l’interdiction de la consommation de combustibles fossiles (mazout, essence, diesel et gaz naturel) dès 2050.

Considérée comme trop radicale par le Parlement et le Conseil Fédéral, ce dernier a rejeté l’initiative et proposé en 2021 un contre-projet direct. En parallèle à cela, la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national (CEATE-N) a de son côté élaboré un contre-projet indirect (il s’agit d’une loi qui reprend les objectifs de l’initiative populaire) qui a obtenu le soutien du Conseil Fédéral le 3 juin 2022. Il est intéressant de noter que le contre-projet indirect, à la différence du contre-projet direct, intervient directement au niveau de la loi sans prévoir de modification constitutionnelle.

Il est important de souligner que la Suisse importe près des trois quarts de son énergie et que les agents énergétiques fossiles comme le mazout, l’essence, le diesel et le gaz naturel proviennent entièrement de l’étranger. La Suisse fait ainsi partie des pays européens les plus dépendants du pétrole pour le chauffage des bâtiments; environ six habitations sur dix sont chauffées avec des combustibles fossiles.Toutefois, ces dernières années, et en particulier depuis le début de la guerre en Ukraine, on observe une augmentation des pompes à chaleur.

Les 30% des besoins énergétiques restants sont couverts par la production domestique d’électricité. Deux tiers de l’électricité proviennent de sources renouvelables, principalement de l’hydroélectricité, tandis qu’un tiers est généré par des centrales nucléaires.
En Suisse, l’énergie photovoltaïque et l’énergie éolienne ne sont pas aussi développées que dans les pays voisins. En revanche, la part des énergies renouvelables dans le mix électrique suisse est supérieure à la moyenne européenne.

La neutralité carbone et les énergies fossiles
La neutralité carbone suppose un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine et leur retrait de l’atmosphère par l’homme ou de son fait grâce à des « puits de carbone » qui absorbent – par un mécanisme naturel ou artificiel – le carbone atmosphérique. Atteindre la neutralité carbone est considérée comme une étape essentielle afin de respecter la trajectoire fixée par l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. Selon le dernier rapport du GIEC, sans fermeture anticipée d’une partie des exploitations de charbon, gaz et pétrole, il sera impossible de respecter ce seuil car les émissions de CO2 projetées d’après la durée de vie des infrastructures d’énergies fossiles existantes et planifiées dépassent les émissions cumulées nettes de CO2 dans les trajectoires qui limitent le réchauffement à 1,5 °C. Les politiques actuelles nous dirigent vers un réchauffement dépassant les 2 °C, d’où la nécessité d’adapter ces dernières à l’urgence de la situation.
L’Accord de Paris
L’Accord de Paris a été ratifié par 193 pays, dont la Suisse en 2017. Cet accord historique énonce des objectifs à long terme précis afin de pousser les nations à coopérer en vue de s’adapter aux changements climatiques – en 2023 est d’ailleurs censé se tenir le premier “bilan mondial” afin d’évaluer les progrès réalisés par rapport aux objectifs de l’accord.
Au moins 130 des 198 pays membres de Nations unies ont annoncé souhaiter atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050 (ou, comme la Chine et la Russie, d’ici à 2060). Toutefois, aucun de ces pays n’agit concrètement dans ce sens d’après le Climate Change Performance Index 2023 (CCIP) qui a examiné les émissions, l’utilisation des énergies renouvelables et les politiques climatiques mises en œuvre dans 59 pays et dans l’Union européenne. La Confédération se classe 22e au niveau des performances climatiques, perdant 7 places en une année. les auteur.rice.s du CCIP enjoignent ainsi le gouvernement Suisse à “améliorer ses politiques” et à “accélérer leur mise en œuvre”.

Le contre-projet indirect à l’initiative pour les glaciers s’appelle “Loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l’innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique”. Cette loi a plusieurs objectifs: réduire les émissions de gaz à effet de serre, faciliter l’adaptation aux conséquences du réchauffement climatique et se protéger de ces dernières, ainsi qu’orienter les flux financiers vers des investissements à faibles émissions de carbone, favorisant par ce biais la résilience face aux changements climatiques.

Il prévoit ainsi des mesures concrètes pour permettre à la Suisse de progresser sur la voie de la neutralité climatique. Parmi ces dernières nous pouvons notamment citer: des soutiens financiers pour les propriétaires d’immeubles qui remplacent un chauffage au gaz ou mazout par un chauffage au bois ou une pompe à chaleur, ou encore qui investissent dans l’isolation de leur bâtiment, les propriétaires remplaçant leur chauffage électrique ainsi que les entreprises qui utilisent des technologies innovantes préservant l’environnement.

Cette loi contraint également les cantons ainsi que la Confédération à prendre des mesures additionnelles afin de protéger la nature et les individus contre les effets du réchauffement climatique. Dans ces effets nous pouvons par exemple noter les vagues de chaleur, les crues, les chutes de pierre et les laves torrentielles.

De plus, ces mesures seront financées par le budget général de la Confédération, épargnant ainsi au citoyen des frais supplémentaires sous forme de taxe ou impôt.

Le Conseil national a adopté la loi sur le climat et l’innovation par 139 voix contre 51 et 2 abstentions. Le Conseil des États y a pour sa part adhéré par 38 oui contre 4 non et 2 abstentions.

Lors des votes finaux, les partisans du projet ont surtout mis en avant l’argument de la sécurité d’approvisionnement. La guerre en Ukraine a montré à quel point il est dangereux de dépendre d’importations d’énergie. Les opposants au projet ont quant à eux mis en garde contre une forte hausse de la consommation d’électricité en raison du remplacement de chauffages et de l’augmentation du nombre de voitures électriques en circulation.

Un référendum a été saisi contre ce projet, raison pour laquelle le peuple se prononcera le 18 juin 2023. Si le contre-projet indirect est accepté, il entrera directement en vigueur. S’il est rejeté lors de la votation référendaire, alors l’initiative “pour les glaciers” sera soumise au vote.

Sources

https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/climat/dossiers/loi-climat.html

https://www.swissinfo.ch/fre/la-transition-%C3%A9nerg%C3%A9tique-de-la-suisse-se-d %C3%A9cide-dans-les-urnes/48386536

https://gletscher-initiative.ch/fr

https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-89107.html

https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/climat/dossiers/loi-climat.html

https://www.fedlex.admin.ch/eli/fga/2022/2403/fr

https://oui-loi-climat.ch/wp-content/uploads/2023/03/Communique_Lancement_de_campagne_FR. pdf

La neutralité carbone, nouveau greenwashing ou réelle avancée ?

Les puits de carbone (ou de CO2)

Rapport de synthèse du GIEC : chaque dixième de degré compte

https://www.un.org/fr/climatechange/paris-agreement