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Le printemps arrive à grands pas et l’envie de planter son jardin augmente avec chaque rayon de soleil. Pour savoir comment commencer un bac de permaculture sur son balcon, nous avons parlé avec Sacha Levivier de SLV Permaculture qui nous a partagé son guide et ses astuces pour bien commencer son mini jardin de conservation. 

Qu’est-ce que la permaculture ? 

Pour donner une définition de la permaculture, celle que j’aime bien, c’est que la permaculture est l’art de créer des écosystèmes durables et fertiles afin de concilier les êtres humains et la nature ensemble. C’est plus une philosophie qu’une méthode de jardinage, contrairement à ce qu’on pourrait croire. Elle s’applique sur énormément de volets différents, ces plans de créer ces écosystèmes durables et fertiles s’appliquent sur le plan social, le plan économique et sur le plan de l’écologie, mais aussi au niveau de l’agriculture.

À l’intérieur de la permaculture, il y a la branche « jardinage » qui est l’agroécologie inspirée par les principes de permaculture, qui a permis de développer les méthodes qu’elle utilise. 

Voici pourquoi on parle souvent de jardinage lorsqu’on parle de permaculture. 

Pourquoi est-ce que la permaculture est-elle axée sur l’agroécologie ? En quoi est-ce qu’elle est meilleure que l’agriculture conventionnelle ? 

Tout simplement parce que l’agroécologie, qu’on appelle aussi l’agriculture de conservation, est une agriculture qui est développée sur 3 piliers qui sont :

  1. le non-travail du sol, 
  2. le couvert végétal, 
  3. la rotation de culture. 

Ceci est contraire à l’agriculture conventionnelle qui est axée sur le labour, les pesticides et les engrais. Ce qui est intéressant c’est que cette agriculture conventionnelle est basée sur un système qui permet de produire une grande quantité de nourriture mais au lieu de travailler avec le sol, elle l’utilise comme un support pour extraire de la fertilité et produire une alimentation. Il faut penser à ça comme une banque par exemple où l’on extrait son capital petit à petit ; au bout d’un moment, on se retrouve sans capital, dans notre cas sans fertilité dans nos sols. C’est pour cela qu’aujourd’hui on dit que les sols sont morts. 

On a extrait tellement de fertilité de ces sols qu’on peine à promouvoir la vie et à faire pousser les plantes, d’où le fait que l’on utilise de plus en plus d’engrais et de pesticides. C’est une boucle rétroactive dans laquelle les sols produisent moins et, malgré les engrais et pesticides, s’épuisent. 

Pour revenir sur l’agroécologie avec l’agriculture de conservation, il y a une volonté de comprendre comment des systèmes naturels comme la forêt entretiennent leurs activités et tiennent cette fertilité au cours du temps, par cycles. Si l’on pense à la forêt,

  • Il n’y a pas besoin de l’arroser. 
  • Il n’y a pas besoin de mettre de pesticides.
  • Il n’y a pas besoin de tailler les arbres
  • Il n’y a pas besoin de labourer les sols. 

Les forêts poussent toutes seules et c’est ça qu’imite l’agroécologie. C’est de là que vient l’inspiration pour faire pousser des légumes, pour nourrir les êtres humains – plutôt que de faire pousser des arbres. Dans la forêt, chaque année, les feuilles tombent et nourrissent le système. Le sol n’est jamais perturbé, c’est cette écologie du sol qui fait que la fertilité fait pousser tous ces arbres naturellement. 

C’est sur ce principe que se base l’agriculture de conservation ; il faut nourrir le sol avec des couverts végétaux et changer les plantes pour pouvoir mobiliser différents éléments du sol, nous retrouvons ainsi les trois principes de l’agroécologie qui sont : le non-travail du sol, le couvert du sol, et la rotation de culture.  

Grâce à des études, nous savons aujourd’hui que le rendement des terres agricoles de conservation est similaire, voire un petit peu supérieur au rendement qui est produit par l’agriculture conventionnelle. Les raisons pour lesquelles les rendements de l’agriculture conventionnelle commencent à diminuer aujourd’hui sont parce que les sols s’épuisent et que l’agroécologie, comme les forêts, accumule la fertilité au cours du temps. Les gens qui s’y qui s’y sont mis il y a dix ans ont donc davantage de rendements aujourd’hui qu’il y a dix ans, ce qui est exactement le schéma inverse que ce qui se passe avec l’agriculture conventionnelle. 

Comment peut-on implémenter les principes de la permaculture chez nous ? Quelle est la taille minimale pour faire de la permaculture ?

Les méthodes de jardinage inspirées de la permaculture se basent sur l’agriculture de conservation. En permaculture le sol est couvert, les végétaux forment ces fameuses associations de légumes appariés les uns avec les autres afin de s’aider à pousser, sans travailler le sol. 

Il n’y a pas de taille minimale pour un jardin de permaculture puisque n’importe qui peut, sur son balcon, remplir un bac avec de la matière organique et suivre le fait qu’il ne va pas labourer le sol. Il faut simplement suivre un design avec des rotations de culture et nourrir son sol chaque année avec de la matière organique. Le seul point limitant quand on est dans des espaces urbains, sur un balcon typiquement, est d’arriver à connecter ce système avec l’environnement qui l’entoure. 

La permaculture est  le fait d’arriver à mettre en lien et à concilier l’être humain et l’écosystème qu’il crée avec l’écosystème naturel qui l’environne. Cette étape est cruciale car l’environnement va améliorer la résilience de notre système. Ensuite, ça pousse tout seul comme par magie, mais il faut qu’il y ait une connexion avec les insectes, les oiseaux, les chauves-souris…

Ce sont ces interactions avec nos cultures qui vont apporter en plus cette fertilité et qui va permettre de situer différents éléments ou réguler certains perturbateurs. Prenons l’exemple des pucerons : quand on est envahi de pucerons, la première chose qu’on fait et de traiter nos espaces verts, alors que si on arrivait à laisser en place les insectes chasseurs de pucerons on arriverait à la construire une communauté qui ferait ce qu’on appelle de la bio-régulation.

Ce système fonctionne de la même manière pour les oiseaux ; si l’on empêche les oiseaux d’arriver sur notre terrain parce qu’ils nous volent quelques cerises par année, ils vont partir ce qui mène à avoir des chenilles sur nos plantes de choux qui vont les dévorer en quelques semaines.

Même en disposant d’un balcon il est important de trouver des façons d’accueillir cette diversité. En installant un mini hôtel insecte sur son balcon, un nichoir pour les oiseaux ou même un perchoir pour les chauves-souris si vous avez un petit peu d’espace, ce sont des choses qui vont valoriser la biodiversité. D’autant plus que ces milieux urbains sont des endroits où ces animaux ont de plus en plus de mal à trouver des refuges semi-naturels. 

Comment bien commencer ?

Imaginons que l’on part de zéro. Donc vous êtes soit sur un balcon, soit vous avez une pelouse qui a toujours été tondue à l’anglaise depuis des années et vous avez envie de vous lancer dans la permaculture. Ce que je vous conseille, c’est premièrement de sélectionner une des méthodes de permaculture (et il y en existe beaucoup). La plus simple à mettre en place serait peut-être celle de la culture « en lasagne » parce que c’est la mieux documentée et la plus utilisée dans les potagers permaculture. Le principe de la culture « en lasagne », c’est d’accumuler les couches de matière organique les unes au-dessus des autres. Ces couches vont être plus ou moins riches en fertilité, car elles peuvent contienir de la matière organique vivante ou des matières qui sont beaucoup plus sèches, qui contiennent des matières organiques mais qui sont mortes et sèches Ce serait l’intérêt des couches de tonte de pelouse et de paille. 

La tonte de pelouse, c’est une matière qui est très riche de vitalité étant donné que quand on coupe l’herbe, les brins sont encore vivants. La paille est par contre une matière séchée, qui est morte et contient des éléments beaucoup plus structurels. Il faut empiler ces couches, qui font entre 5 et 10 cm, les unes sur les autres à la hauteur que vous désirez (avec un minimum de deux couches) et quand vous arrivez vers 4, 5 ou 6 couches, vous arrivez sur la dernière couche qui sera un composte ou un terreau qui sera aussi d’environ 10cm. 

Ceci va vous permettre de planter directement dans cette culture en lasagne. Vos légumes et plantes vont pouvoir dans un premier temps s’enraciner dans ce composte. Progressivement, la matière organique que vous avez accumulée sous forme de couches dessous va se composter en se dégradant et les racines des plantes vont petit à petit pouvoir extraire tous les éléments dont ils ont besoin. Un des points importants de l’agriculture de conservation est aussi de toujours recouvrir le sol, donc toujours à la fin de remettre un paillage qui peut être soit de la tonte, soit de la paille, soit des feuilles mortes. C’est juste de la matière organique qui permet de protéger le sol des rayons du soleil et de limiter l’évaporation. 

Ce sont des méthodes qui sont très efficaces et qui accumulent énormément de fertilité très rapidement et ne demandant ni labour de sol, ni engrais, ni pesticides, puisque tout est déjà sur place. 

Comment entretenir une culture en lasagne ou un jardin en permaculture ou un bac sur un balcon ? 

Alors, comme le fait la forêt, vous allez devoir nourrir le système une fois par année ; il faut amener de la matière organique qu’on va mettre en surface. N’hésitez pas à varier les paillages que vous utilisez pour nourrir le sol. C’est similaire à l’action que fait la forêt avec ses feuilles. C’est le seul entretien que vous allez devoir faire pour vous nourrir le système. Par la suite, vous avez l’entretien de plantation et la récolte qui consiste à choisir à l’année ce que vous allez vouloir faire pousser, mais également à réfléchir sur la meilleure période pour pouvoir planter ses légumes et ensuite les mettre. Pour la récolte, ça va varier puisque vous pouvez planter des produits comme des courges que vous allez devoir récolter une fois à l’année, ou des produits comme des tomates qu’il faudra récolter tous les jours entre juillet et octobre.

Concernant l’arrosage, cela dépend de vos conditions ; si vous êtes sur une terre qui est plutôt sableuse ou argileuse, vous allez avoir plus ou moins d’irrigation à faire. Si vous possédez un bac sur un balcon, vous avez beaucoup plus de contact avec l’air et la chaleur ambiante, Donc vous allez avoir beaucoup plus d’évapotranspiration dans le bac, ce qui signifie que vous devrez davantage arroser. Il n’existe malheureusement pas de méthode miracle pour pouvoir combler ce genre de chose, mais vous aurez déjà moins à arroser que le jardinage ordinaire.

Concrètement, sur un balcon, si vous avez un bac dans lequel vous faites pousser des légumes, il va falloir arroser une voir deux fois par semaine pendant les grosses chaleurs en été. Alors que dans un jardin, si vous faites une culture en lasagne sur le sol, une fois toutes les 2 semaines suffira déjà pour ce genre de culture. 

Quand on arrose, il faut arroser copieusement, afin de remplir et de de gorger tout le sol d’eau, ce qui permet d’étaler l’irrigation sur des distances plus longues. Si l’on arrose trop peu, il en résulte que l’on humidifie  uniquement la couche superficielle du sol, qui est la couche qui s’évaporera en premier au contact du soleil. En arrosant abondamment nous effectuons ainsi l’acte de « percoler », c’est-à-dire de faire pénétrer l’eau profondément dans le sol. 

Voici un petit design que vous pouvez faire dans votre jardin au printemps et qui produira des récoltes entre le printemps et l’été ; vous allez ensuite pouvoir faire une succession de cultures entre le design de printemps et le design d’automne qui vous permettra de produire presque sur toute l’année. 

Donc, pour vous donner une petite recette toute faite, vous pouvez planter pendant le mois de février-mars tout ce qui est : salade petits pois, les pois mangent tout, betterave, côte de bette, épinard, roquette… Ce sont des légumes qui se comportent très bien dans des situations froides et vont se développer jusqu’au mois de mai-juin et vont vous produire des récoltes au mois de mai-juin. Ça tombe bien parce qu’à cette période il n’y a généralement plus de gelée et c’est le moment parfait pour planter ce qu’on appelle les légumes d’été : courgettes, courges, tomates, poivrons, aubergines, tous ces légumes, qui ont besoin de grosses chaleur.

Ce qu’on appelle une succession végétale sera de remplacer votre design de printemps par le design d’été. Cette transition se fait vers fin mai-début juin, et avec ça, vous avez des légumes qui vont vous produire ensuite jusqu’à décembre. En décembre, vous pouvez, si vous êtes assez astucieux, repartir sur un design d’automne et hiver avec les légumes que j’ai cités au début pour le design de printemps. Ces légumes qui ne craignent pas le froid (notamment les choux, des variétés de brocolis ou de choux fleurs) vont passer l’hiver et produire directement en début de printemps l’année suivante. 

Avec ceci, vous avez des recettes que vous pouvez appliquer pour produire de la nourriture toute l’année ou pour en tout cas étaler davantage vos récoltes tout au long de la saison.

Peux-tu nous parler un peu de toi et de comment on peut collaborer avec toi concrètement?

Je m’appelle Sacha Levivier, je suis le fondateur de SLV permaculture une jeune entreprise ayant pour objectifs de sensibiliser petits et grands à l’écologie et la durabilité tout en recréant des sanctuaires de biodiversité dans nos villes. 

Notre vison est d’utiliser la permaculture comme outil pédagogique à travers des ateliers ludiques et enrichissants. Nous travaillons notamment avec des écoles pour accompagner les élèves dans la réalisation de jardins potagers écologiques inspirés par les principes de permaculture. Nos animations hebdomadaires permettent aux participants d’interagir avec la nature fascinante qui nous entoure, mais également d’entretenir et de développer le design qu’ils ont conçu de toutes pièces.

SLV Permaculture travaille aussi avec les privés, tout simplement pour les aider à mettre en place des designs écologiques dans leur jardin en créant des lieux de production écologique et de biodiversité.

Vous pouvez voir plus en détail ce que SLV permaculture propose comme activités à travers son site internet, et vous pouvez le contacter par Courriel, et puis Instagram.