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La fin du 18ème siècle a marqué le début d’une croissance économique qui a permis l’amélioration de notre qualité de vie. De nos jours, nous pourrions nous demander si la croissance économique est toujours autant synonyme de bien-être qu’autrefois ? 

C’est dans ce contexte que s’inscrit le « paradoxe d’Easterlin », selon lequel, au-delà d’un certain seuil, la croissance économique n’a plus d’influence sur l’évolution du bien-être de la société.

En raison de l’urgence climatique, il est donc essentiel de repenser nos habitudes de consommation, telle que la fast-fashion, qui a tendance à privilégier la production rapide et en grande quantité de biens.

De par cette surconsommation, une augmentation des déchets est induite, et la Suisse est internationalement reconnue comme l’un des principaux contributeurs de déchets par habitant, avec une estimation de 700 kg par an en 2020 selon Greenpeace. Un tiers de ces déchets proviennent d’emballages jetables difficilement recyclables.

Même si d’autres déchets sont recyclés (jusqu’à 70 % en 2020 (OFDE)), les réintégrer dans les circuits de matériaux « ne couvrirai[t] qu’un cinquième des besoins actuels de matériaux » mentionne l’Office fédéral de l’environnement. Ainsi, une révision de notre modèle de consommation est nécessaire.

Dans cette perspective, nous allons introduire le concept de sobriété.

Cette notion, bien qu’évoquée auparavant, est apparue dans le sixième rapport du GIEC 2022 grâce à Yamina Saheb. Il désigne, selon le groupe d’expert.e.s:

« toutes les mesures qui permettent d’éliminer l’utilisation d’énergie, de matériaux, de terres et d’eau tout en garantissant le bien-être de tous dans le cadre des limites planétaires ».

Il est important de souligner qu’il existe des centaines de scénarios pour l’avenir mais seulement quatre intègrent la notion de sobriété dont deux qui considèrent la sobriété comme levier d’action.

Industrie textile

Il est nécessaire de revoir notre modèle de consommation pour favoriser la sobriété, en mettant particulièrement l’accent sur l’industrie du textile et le problème de surconsommation qui en découle. Cela est d’autant plus crucial étant donné que l’empreinte carbone de l’industrie du textile demeure excessivement élevée.

Selon une étude du WWF réalisée à partir des données d’Oekom research : « plus de la moitié des entreprises examinées (Nike, Zara, H&M, Uniqlo…) n’appliquent pratiquement pas de mesures pour contrer les changements climatiques. Et cela, alors que ce secteur contribue significativement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre avec 1,7 milliard de tonnes de CO2 par an soit 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre »

Pour contrer ce fléau, il en va du ressort des Etats de mettre en place un maximum de moyens afin d’encourager les entreprises à redéfinir leurs objectifs, et d’aider la population à changer son mode de consommation. 

Ainsi, de récentes réglementations ont vu le jour.

Dans un premier temps, le cas de la Loi AGEC (en France, 1er janvier 2022), qui se décline en 5 grands axes : 

1. sortir du plastique jetable 

2. mieux informer les consommateurs 

3. lutter contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire 

4. agir contre l’obsolescence programmée 

5. mieux produire

Par la suite, le 30 mars 2022, une nouvelle stratégie de l’Union Européenne visant à proposer des mesures pour l’ensemble du cycle de vie des produits textiles a été adoptée. Les mesures envisagées sont les suivantes :

  • ​​Une quantité minimale de fibres recyclées dans la composition des textiles, visant à rendre ces derniers plus résistants et plus faciles à réparer et à recycler.
  • Une information plus précise sur les textiles et un passeport numérique du produit.
  • Des contrôles stricts en matière d’éco blanchiment (greenwashing en anglais) pour protéger les consommateurs.

Si les réglementations et les initiatives gouvernementales sont des leviers essentiels pour impulser le changement, le consommateur joue également un rôle central dans la transformation de l’industrie textile. Chaque choix d’achat constitue un vote pour le type de production et de consommation que nous soutenons. Voici quelques alternatives et actions que chacun peut entreprendre pour contribuer à cette évolution positive : 

Privilégier les marques durables

Opter pour des marques engagées dans des pratiques durables, utilisant des matériaux recyclés ou biologiques, et adoptant des processus de fabrication respectueux de l’environnement. En outre, privilégier la transparence dans ses choix d’achat. Opter pour des marques qui partagent ouvertement leurs valeurs, leurs pratiques, et leurs impacts contribue à une consommation éthique. De nos jours, de plus en plus d’entreprises s’orientent vers des modèles de production éthiques et durables, intégrant également la transparence comme un aspect essentiel de leur engagement envers la durabilité.

Acheter moins, mais mieux

Favoriser la qualité sur la quantité! Privilégier les vêtements conçus pour durer et résister à l’usure du temps. Investir dans des pièces intemporelles plutôt que de suivre les tendances éphémères peut réduire significativement l’impact environnemental de notre garde-robe.

La seconde main

Explorer le marché de la seconde main, les plateformes en ligne de vente d’occasion ou les trocs entre particuliers pour donner une seconde vie aux vêtements. C’est une façon économique et écologique de consommer la mode. En privilégiant cette approche, vous offrez non seulement une seconde vie aux vêtements, mais vous avez aussi la liberté de les adapter à votre propre personnalité. Cela devient une véritable déclaration de votre individualité!

L’entretien et la réparation

Prendre soin de ses vêtements, les entretenir correctement et envisager la réparation plutôt que le remplacement dès qu’un vêtement présente des signes d’usure. Des gestes simples prolongent la durée de vie des habits.

Une nouvelle utilité au vêtement

Reconvertir un vêtement trop usagé, qui ne peut être réparé, avec des taches qui ne partent plus, ou avec des petits défauts, de façon à diminuer sa consommation dans d’autres domaines. Par exemple, utiliser un t-shirt pour en faire une éponge pour la cuisine. Ainsi on revalorise un vêtement et on consomme différemment aussi dans le domaine ménager.   En adoptant ces alternatives et en faisant des choix conscients, chaque individu peut contribuer à un changement positif dans l’industrie textile. Le consommateur détient un pouvoir considérable qui, combiné à d’autres actions à différents niveaux de la société, peut véritablement façonner une industrie de la mode plus durable et responsable pour les générations futures.

Alimentation

Un autre levier d’action concerne notre alimentation. En effet, à titre d’exemple, une étude réalisée par le Commissariat général au développement durable du gouvernement français expose que l’alimentation contribue à 22% de l’empreinte carbone totale de la consommation française. Ce constat la place ainsi au troisième rang des principaux émetteurs de gaz à effet de serre, après le transport (30%) et le logement (23%). Étant donné l’importance de cette part, il devient impératif d’ajuster nos habitudes alimentaires pour réduire ces émissions.

Une des solutions possibles, consiste à diminuer drastiquement, voire totalement, sa consommation de viande. En effet, cette dernière génère des conséquences néfastes, en surcroît des émissions qui lui sont liées. Ces répercussions incluent la déforestation de forêts pour la construction de pâtures et de champs agricoles destinées aux animaux, la consommation importante d’eau pour les cultures et les bêtes, ou encore la surfertilisation de terres agricoles et l’utilisation de pesticides. En témoigne le rapport sur l’État Mondial des Forêts publié par la FAO en 2016 indiquant que près de 80% de la déforestation mondiale est causée par l’agriculture. On englobe sous le terme « agriculture » aussi bien l’agriculture commerciale que l’agriculture de subsistance. Il serait ainsi pertinent d’explorer d’autres méthodes agricoles, telle que la permaculture.

Sur le plan alimentaire, il existe plusieurs alternatives aux protéines animales apportées par la consommation de viande, dont notamment les protéines végétales ou encore les éléments nutritifs provenant d’insectes. Ces derniers présentent quelques avantages à la viande.

Les insectes sont très nutritifs, contiennent peu de graisses et comportent les neuf acides aminés essentiels à l’alimentation. Ils sont également riches en fibres et contiennent de la vitamine B12 qui n’est pas naturellement présente dans les aliments d’origine végétale.

De plus, les insectes émettent moins de gaz à effet de serre que le bétail. En effet, ils se trouvent en bas de la chaîne alimentaire. Par conséquent, ils ont besoin de moins de ressources, telles que la nourriture, l’eau et l’espace pour se développer. Ils existent également en plus grande quantité car ils deviennent adultes en seulement quelques mois et pondent des centaines d’œufs tous les mois. 

À titre d’exemple, selon un rapport de la FAO datant de 2013, les grillons nécessitent 12 fois moins de nourriture que les bovins, 4 fois moins que les ovins et 2 fois moins que les porcs et poulets pour produire la même quantité de protéines.

Ainsi, en raison des nombreux avantages qu’ils offrent, les insectes constituent une bonne alternative à la viande.

Biodiversité

Finalement, il est essentiel de placer la biodiversité au cœur de nos préoccupations car elle joue un rôle crucial dans la préservation de l’environnement et dans la lutte contre le dérèglement climatique. En effet, une biodiversité étendue contribue à prévenir la pollution de l’air et de l’eau. De plus, elle revêt une importance vitale pour l’humanité en filtrant les toxines et les déchets industriels, tout en favorisant la préservation des écosystèmes.

Selon l’OFS, sur 10’844 espèces animales et végétales évaluées entre 1994 et 2023, 35% d’entre elles sont inscrites sur les listes rouges des espèces menacées, disparues ou éteintes. De plus, au moins 49 espèces menacées en Suisse le sont aussi à l’échelle mondiale. 

Face aux défis environnementaux, repenser notre mode de vie devient impératif. De la fast-fashion à la consommation de viande, des choix responsables s’imposent. En privilégiant des marques durables et en réduisant notre impact alimentaire, chaque individu contribue à une transition vers un mode de vie respectueux de la planète. La préservation de la biodiversité et des approches agricoles durables complètent cette vision d’un avenir responsable. Chacun de nos choix compte dans la construction d’un monde plus durable.


Sources

https://ourworldindata.org/what-is-economic-growth

https://partageonsleco.com/2022/05/30/le-paradoxe-deasterlin-fiche-concept/

https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themen/thema-abfall/abfall–das-wichtigste-in-kuerze.html

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-economie-et-social/pourquoi-miser-sur-la-sobriete-4797662

https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12822-Strategie-de-lUnion-europeenne-pour-des-textiles-durables_fr

https://climateseed.com/fr/blog/secteur-du-textile-impact-environnemental-et-réglementation

https://www.wwf.ch/fr/nos-objectifs/rapport-du-wwf-sur-lindustrie-de-lhabillement-et-des-textiles

https://sherpas.com/blog/la-surconsommation/

https://www.greenpeace.fr/comment-opter-pour-une-mode-plus-ethique-et-responsable/https://www.vogue.fr/mode/article/mode-durable

https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/notre-alimentation-c-est-combien-de-gaz-a-effet-de-serre-ges#:~:text=Pourtant%2C%20l’alimentation%20repr%C3%A9sente%2022,le%20logement%20(23%20%25). https://www.quatre-pattes.ch/campagnes-themes/themes/nutrition/impact-environnemental-consommation-viande https://www.swissinfo.ch/fre/societe/manger-des-insectes–ce-n-est-pas-du-tout-cuit-/47844640

https://www.next-food.net/fr/elevage-insecte-comestible-compare-a-la-production-de-viande/ https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/espace-environnement/indicateurs-environnement/tous-les-indicateurs/etat-environnement/animaux-et-plantes-menaces.html#d_finitions__content_bfs_fr_home_statistiken_raum-umwelt_umweltindikatoren_alle-indikatoren_umweltzustand_gefaehrdete-tiere-und-pflanzen_jcr_content_par_tabs https://youmatter.world/fr/definition/deforestation-definition-causes-consequences-solutions/

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